Epilogue (2)
Par Alexandre Vaughan
Le pont du Fléau des Mers, remis à neuf, était resplendissant. Le navire avait retrouvé sa majesté d’antan. Il était, d’une certaine manière, redevenu le fleuron de la flotte extérieure de l’Empire de Dûen. Son aspect était familier, ancrant le bâtiment et son équipage dans un passé à présent révolu. En l’observant, Imela ressentait le goût à la fois doux et amer de la nostalgie, et elle revivait dans sa tête les jours de gloire du bateau.
Pourtant, le présent était à nouveau plein d’espoir, et le Fléau des Mers était devenu le navire amiral d’une marine plus grande encore que celle de l’Empire de Dûen avant sa chute. Les navires de l’alliance battaient les pavillons d’Omirelhen Niûsanif, Dafashûn et même Sorcamien. C’était une flotte sans égale. Et c’était Imela qui en était l’amirale.
Oui, les temps avaient bien changé. Pourtant tout n’était pas positif. Alors que la silhouette d’Imela se découpait en ombre chinoise sur l’horizon rougeoyant, la jeune femme réfléchissait, les yeux perdus sur les vagues qui venaient lécher la coque du navire en mouvement.
L’amirale avait longuement hésité avant d’accepter la proposition de Shari. Elle avait peut-être mérité sa retraite. Pourtant elle savait au fond d’elle que l’oisiveté n’était pas faite pour elle. L’appel de la mer était le plus fort. Elle avait besoin de se plonger dans la navigation, dans son travail, auprès de ses marins. Cela ne faisait que quatre mois qu’elle avait appris la disparition d’Aridel, et la tristesse qu’elle ressentait l’amenait parfois au bord des larmes.
Imela en voudrait probablement toute sa vie à Lanea. La mage n’avait jamais voulu lui expliquer pourquoi ou comment Aridel avait perdu la vie. Elle savait très probablement ce qui s’était passé dans la tour d’Oeklhin, mais refusait d’en parler. Tout cela aurait peut-être pu être évité… Etait-il réellement nécessaire qu’Aridel meure pour éliminer Oeklos ? Est-ce qu’Erû avait quelque chose à voir là dedans ? Autant de questions auxquelles seule Lanea pouvait répondre…
Mais peu importait, tenta de se convaincre Imela. Les faits restaient les faits. Aridel n’était plus là, et l’amirale avait le devoir de continuer à vivre sans lui. Le monde s’offrait à elle et elle lui montrerait qu’elle n’allait pas se laisser abattre.
Et puis se dit-elle en frottant son ventre, qui commençait à bien s’arrondir, elle ne serait pas longtemps seule. Une partie d’Aridel continuait à vivre en elle.
Imela se tourna vers le nouveau capitaine du Fléau des Mers.
- Cap à l’ouest, ordonna-t-elle.