Epilogue (1)
Par Alexandre Vaughan
Taric observait les nuages gris qui défilaient dans le ciel, poussés par le vent. Même à l’abri derrière sa fenêtre, dans la chambre chauffée, il frissonnait en voyant le temps. Il savait qu’il aurait bientôt à l’affronter. Après tant de semaines alité, il était à la fois impatient et appréhensif de retrouver le monde extérieur.
Pourtant il devait bien admettre que sa guérison tenait du miracle, tout comme ce qui s’était passé ces dernières semaines. Le fait qu’il arrive à marcher et à se tenir debout était un signe qu’il était en voie de rétablissement total. Après s’être tenu aux portes de la mort, Taric avait du mal à croire qu’il allait vivre pour voir des jours nouveaux.
C’était Delia elle-même, l’ex-reine d’Omirelhen, qui avait confectionné le remède, ou plutôt l’antidote, au poison que Walron lui avait fait ingérer. A son réveil Taric avait cru qu’il se trouvait en enfer, mais les surprises qui l’attendaient avaient été bien plus grandes encore.
Quand il s’était senti mieux, Lanea lui avait raconté tout ce qui s’était passé depuis son arrivée à Erûmar. Les exécutions, l’arrivée de l’Alliance, les batailles qui s’en étaient suivies et le siège d’Oekhlin, mais surtout sa terrible conclusion.
Oeklos n’était plus, et c’était une bonne nouvelle pour le monde, mais le tribut à payer avait été lourd. Aridel avait péri avec lui. La tristesse de cette nouvelle venait ternir la victoire. De plus, Taric savait que Lanea lui cachait des choses. Il avait deviné que la jeune femme détenait des informations concernant Erû, sur lesquelles elle était restée très évasive. Taric était décidé à en savoir plus, dès qu’il serait en meilleure santé.
Pour le moment, le mage profitait de son état pour se recentrer sur lui même. Il avait reçu le pardon de Lanea, et il se sentait en paix. Sa rédemption était complète. Le monde allait vers des jours meilleurs, et peut-être devait-il l’accepter sans se poser trop de questions ? C’était en tout cas ce que semblaient faire la plupart des survivants de ces années de guerre et de malheur.
Le port d’Erûmar était en effervescence. Taric voyait de sa fenêtre les navires de commerce et les bâtiments de guerre aller et venir, les dockers du port travaillant comme des fourmis à les charger et les décharger. Le littoral de Dafashûn revivait, comme l’avait souhaité Lanea.
La cheffe de la résistance était en effet devenue, comme si c’était une évidence, la dirigeante des mages survivants. En tant que représentante de son peuple, Lanea était alors partie en Sorcasard pour organiser la reconstruction. Avec l’aide des hommes du continent et des Sorcami, elle avait l’ambition de redonner à Dafashûn une partie de sa splendeur d’antan, en évitant de retomber dans les erreurs du passé. Taric aurait aimé l’accompagner mais il était encore trop faible pour voyager. Peut-être était-ce, d’une certaine manière, une bonne chose. Il avait le temps de penser, et avait même commencé à coucher par écrit ses mémoires.
Le mage ne pouvait malgré tout s’empêcher de se demander quelle serait sa place dans le nouveau monde qui se profilait. Il envisageait sérieusement de recommencer à voyager, de refaire un tour de la planète pour voir à quel point elle avait changé. Il était certain qu’il prendrait un grand plaisir à découvrir ce nouvel Erûsarden.
Taric tourna son regard vers le ciel, qui semblait un peu moins sombre qu’à l’habitude. Repensant à Aridel, il leva la main, un dernier salut pour l’homme qui s’était sacrifié afin de donner à ses semblables un avenir.