Affrontement (5)
Par Alexandre Vaughan
L’empereur avait attendu son moment avec impatience. Tôt ou tard, son adversaire était destiné à commettre une erreur. L’heure était venue. Oeklos n’avait aucun doute quant à sa victoire finale. Il savait qu’il était beaucoup plus rusé qu’Aridel. Il avait vécu presque deux siècles, et même dans sa jeunesse, lorsqu’il n’était qu’Egidor de Dafashûn, il aurait pu vaincre un sous-homme comme son adversaire facilement. Le seul obstacle qui l’avait véritablement mis en échec était l’armure qu’Erû avait donné à Aridel. Maintenant qu’elle était hors de l’équation, plus rien ne s’opposait à sa vengeance.
L’élixir de Cersam Gindûn, qui avait permis à Oeklos d’obtenir une longue vie tout en changeant son apparence, lui avait également donné la force d’un Sorcami. Le coup avec lequel il frappa le visage d’Aridel était puissant, et projeta son adversaire contre la coupole de verre, le faisant traverser l’image holographique d’Erû. Alors que le prétendu roi d’Omirelhen se relevait, le visage en sang et qu’Oeklos s’apprêtait à l’achever, il entendit soudain la voix de l’entité.
- Ne crois pas, Oeklos, que la victoire te sera si facilement donnée. Vos chances à tous les deux seront égales, et j’y veillerai.
L’empereur se sentit tout d’un coup plus léger, comme si tout son poids avait disparu. Il comprit très vite ce qui venait de se produire. L’entité avait arrêté la rotation de la cité orbitale qu’était Dalhin, et la pesanteur artificielle qui les maintenait au sol n’était plus qu’un souvenir. Une difficulté supplémentaire, mais rien de rédhibitoire. Oeklos avait toujours confiance en ses capacités de combat.
Son souffle fut soudainement coupé. Il venait de recevoir un coup à l’estomac. Ce fut à son tour de voler à travers la pièce, littéralement. Aridel avait utilisé ses pieds comme un ressort, et projetant l’intégralité de son corps contre son ennemi, avait réussi à frapper Oeklos. L’empereur, poussé par son inertie, ne s’arrêta que lorsqu’il eut atteint le mur opposé.
Il mit cependant cette nouvelle position à profit pour rebondir à son tour afin de couper la trajectoire d’Aridel et de l’écraser contre la paroi.
Le roi d’Omirelhen parvint en partie à esquiver cet assaut. Oeklos ne put toucher que ses jambes et l’ex-mercenaire se retourna en l’air, tentant d’attraper la tête de son adversaire.
Oeklos se tortilla et évita ses bras, faisant lui aussi un tour sur lui même. Le combat se transformait en un ballet aérien dont les deux adversaires définissaient la chorégraphie. Poussant son avantage, l’empereur parvint d’un mouvement souple à enserrer le cou d’Aridel. Il exulta. Il avait gagné. Il n’avait plus qu’à attendre que son ennemi s’étouffe sous sa poigne.
Le roi d’Omirelhen se débattait, mais la force d’Oeklos était la plus grande. L’empereur ne s’aperçut cependant pas qu’Aridel se rapprochait petit à petit de la paroi de la pièce. Une fois à portée, l’ex-mercenaire, rompu lui aussi au combat, prit de nouveau appui sur ses jambes, et les propulsa tous vers le mur opposé à une vitesse folle.
Oeklos se gaussa intérieurement de cette vaine tentative, jusqu’à ce qu’il sente une vive douleur lui vriller le dos, se répandant à travers tous ses nerfs. Il cria. Que se passait-il ? Il finit par devoir relâcher son emprise tant la souffrance était grande. Des petites billes d’un rouge éclatant passèrent devant ses yeux. L’empereur comprit avec effroi qu’il s’agissait de son sang, s’échappant en bulles sous l’effet de l’apesanteur. Impossible ! Comment avait-il pu être blessé ? Oeklos tourna péniblement sa tête et constata avec horreur qu’il était a présent empalé sur une barre de métal brisée, un artéfact qui avait sûrement autrefois servi de main courante. La rage et la frustration l’envahirent, cachant presque sa douleur. Son adversaire avait été plus malin que lui. Lui ! Oeklos ! Empereur du monde !
Aridel se dégagea et fit face à son ennemi, le poing serré. Son visage était tuméfié et il grimaçait de douleur, mais un sourire arrogant fendit ses lèvres.
- Voilà l’histoire de votre vie résumée en un instant, empereur. Vous avez cru gagner, mais au final vous n’avez plus rien.
Ce fut les dernières paroles qu’entendit Oeklos. Aridel lui saisit la tête et lui tordit le cou, le plongeant instantanément dans le noir de la mort.