Affrontement (4)
Par Alexandre Vaughan
Aridel reconnut immédiatement l’intonation de cette voix. Erû, car cela ne pouvait être que lui, avait repris l’identité de son frère, Sûnir. Cela ne fit qu’irriter le roi d’Omirelhen. Une féroce détermination s’empara de lui : le moment était venu. La justice allait frapper les responsables des horreurs que le monde avait subi ces cinq dernières années.
Tout était loin d’être joué, cependant. Erû s’était de toute évidence préparé à cette visite. Etait-il en train de jouer avec sa conscience et ses émotions ? Aridel ne pouvait faire aucune supposition. Peu importait. Le roi d’Omirelhen avait une mission, et il l’accomplirait. Qu’Erû essaie ses manipulations sur Oeklos. Aridel ne se laisserait pas prendre.
Une présence se matérialisa alors devant ses yeux. C’était une image tridimensionnelle, comme lui avait expliqué Lanea, mais elle était saisissante de réalité. L’entité avait une apparence humaine, bras, jambes, torses, tête mais pas de visage, juste un masque d’un gris uni. C’était comme si Erû souhaitait leur présenter ce qu’il était réellement : une machine sans âme.
- Inutile de chercher à tenter quoi que ce soit Berin, dit l’entité. Je sais parfaitement ce que tu es venu faire ici. Mais si tu souhaites réellement ma destruction, il faudra que tu m’écoutes avant.
Aridel ne prononça pas un mot, sa volonté intacte. Son regard se durcit, rempli de haine pour la machine.
- Quant à toi, Egidor, continua Erû, ne crois pas non plus que tout est joué. Pensais-tu réellement que tes actes n’auraient pas à être jugés un jour ? Mes cadeaux ont un prix.
Oeklos était resté, tout comme Aridel, silencieux. Il s’agenouilla soudainement devant l’image de celui qui se faisait passer pour un dieu, en apparence pris d’une vague d’humilité.
- Puissant Erû, n’ai je donc pas fait tout ce que vous m’avez demandé ? Mon rêve ne convient-il plus à vos aspirations ?
- Ton rêve Oeklos, tout comme celui d’Aridel et de ses alliés, ne sont que des facettes, des possibilités d’avenirs. Tous deux s’affrontent pour devenir réalité. Il existe une infinité de routes que ce monde, cet univers, peuvent emprunter et chacune d’entre elles existe à sa manière. Nous sommes maintenant, à cet instant précis, à la croisée de ces chemins. Tout ce qui s’est passé depuis des millénaires, bien avant même que l’empire des Anciens ne chute, nous a mené à ce point dans le temps et l’espace. Nous nous trouvons au centre d’une singularité où toutes les probabilités de prédiction sont équivalentes. Même moi je ne peux plus voir ce qui va se produire.
Aridel, exaspéré par le ton condescendant de la machine qui tentait de les noyer dans des phrases verbeuses, parla presque malgré lui.
- Cessez de prononcer vos demi-mensonges, faux-dieu. Vous prétendez être divin et vouloir aider ce monde, mais vous êtes en réalité un monstre. Oeklos aussi, mais en rélité, il n’est que votre instrument. Vous ne possédez aucune pitié, aucune émotion. Des millions de personnes sont mortes par votre faute, et vous n’éprouvez aucun remord.
- Crois-le ou non, Berin, mais ce qui s’est produit est la possibilité qui, à long terme, était la moins couteuse en vies humaines et Sorcami. Toute autre solution sous aurait mené à ce point, mais avec beaucoup plus de pertes et de douleur.
- Foutaises ! Vous êtes un manipulateur. Mais cette fois, rien ne pourra m’empêcher de faire ce pour quoi je suis revenu ici. Pour vous et Oeklos, tout se termine aujourd’hui !
Aridel commença à se jeter sur l’image, mais il sentit soudain que son armure disparaissait, le laissant à nu. Il n’avait plus son enveloppe protectrice. Toutes les plaques de métal s’étaient retirées, et il n’était plus Berin, Dasam d’Erû, mais simplement Aridel, ex-mercenaire.
- Tu as raison, tout se termine aujourd’hui, dit Erû. Mais si tu veux réellement accomplir ta mission, tu devras le faire sans l’aide de ma technologie. Et je pense qu’Oeklos ne te laissera pas agir si facilement. Sachez-le, celui de vous deux qui se présentera seul devant moi pourra faire un choix qui déterminera l’avenir du monde.
Qu’à cela ne tienne, se dit Aridel. Il allait… Le roi d’Omirelhen eut à peine le temps de terminer sa pensée. En une fraction de seconde, Oeklos s’était jeté sur lui.