Affrontement (3)
Par Alexandre Vaughan
Oeklos rageait. L’empereur était pourtant bien conscient qu’il n’y avait rien à faire pour le moment. Il était prisonnier, privé de liberté dans sa propre forteresse, obligé d’obéir aux ordres d’un être inférieur à lui. Il devait malgré lui admettre que Delia et son frère s’étaient bien joués de lui. En tenant occupées les troupes impériales, l’attaque de la forteresse leur garantissait une certaine impunité.
L’empereur avait bien sûr envisagé de conduire son ennemi dans une autre salle que celle où se trouvait le téléporteur. Il avait cependant décider de ne pas tenter le diable. Le risque était trop grand. Malgré tout son bravache, Oeklos tenait encore à sa vie. Et comment son projet pourrait-il s’accomplir sans lui ? Il devait attendre le moment opportun pour agir, et se montrer docile en attendant.
Les questions fusaient dans sa tête. Comment Aridel avait-il su qu’il possédait un téléporteur ? Y avait-il des espions au sein même de sa forteresse ? Ces traîtres connaitraient tôt ou tard la colère impériale ! L’empire aurait dû éliminer sans exception tous les mages survivants après le cataclysme de L1.
Oeklos se reprit. Il fallait qu’il se concentre. Il devait trouver un moyen de sortir du guet-apens dans lequel il était tombé. Il avait déjà péché par excès de confiance, et il n’allait pas recommencer. L’empereur avait vécu plus de deux siecles : comment pouvait-il encore commettre ce genre d’erreurs ? Il aurait dû faire jeter Delia au cachot dès son arrivée.
Le téléporteur se trouvait dans ses appartements, bien sûr. Il n’allait pas laisser quelqu’un d’autre en avoir la garde. Il avait d’ailleurs fait construire la tour sur un des sites où la grille de téléportation était la plus fiable possible. La technologie était à la fois trop aléatoire et trop précieuse pour prendre le moindre risque.
Lorsqu’ils entrèrent dans la pièce Oeklos vit que ses précieux écrans-miroirs de communication étaient toujours inertes. Etait-ce la présence d’Aridel qui les avait définitivement mis hors d’usage ? Si seulement l’empereur avait pu les faire fonctionner, peut-être aurait-il pu donner l’alerte… En attendant rien d’autre à faire que de jouer le jeu. Il désigna une dalle de pierre grise, proche de l’un des écrans.
- Voilà ce que vous cherchez, dit-il sèchement.
L’homme en armure tourna la tête vers son prisonnier.
- Attention, “empereur”, n’essayez pas de me tromper. Vous êtes loin de connaître l’ensemble des possibilités de cette armure. Si cet engin n’est pas un téléporteur, ou si vous n’entrez pas les bonnes coordonnées, je le saurai. Ne vous avisez pas de saisir une autre destination que Dalhin.
Oeklos sentit une nouvelle bouffée de rage l’envahir. Il se tourna vers Delia.
- Comment avez-vous pu me trahir ? Je vous croyais plus intelligente que cela.
- Je suis une survivante, Oeklos. Je me range toujours du coté qui m’offre le plus d’opportunités. Et les vôtres semblent très réduites à présent.
- Vous vous souviendrez de ces paroles lorsque je vous ferai exécuter, traitresse !
Aridel serra de nouveau le poignet d’Oeklos, le coupant dans son persiflage.
- Trêve de discussions ! Vous pourrez menacer Delia plus tard. Occupez-vous du téléporteur. Et ne perdez pas de temps !
Oeklos était forcé d’obtempérer. Il répéta sans hésitation les gestes qu’il avait appris, de nombreuses années auparavant. En allumant une à une les runes se trouvant sur le coté de la dalle, des souvenirs lui revenaient. Le téléporteur était une relique d’un passé qui lui paraissait à la fois loin et proche, une époque où il n’avait pas encore accompli son destin.
La machine se mit à émettre des pulsations de lumière jaune et un léger vrombissement emplit la pièce. Il ne restait plus qu’à voir si le terminal distant accepterait la connexion. Peut-être que… Non, le dernier espoir d’Oeklos s’évanouit. La lumière passa au rouge. L’acquisition de signal était bonne et le portail était actif.
- Voilà, dit Oeklos, vous n’avez plus qu’à vous placer au centre de la dalle.
- Vous allez passer avant moi, Oeklos.Et si vous pensez vous enfuir, sachez que je vous retrouverai.
Oeklos contint sa colère. S’il essayait de fuir, sa vie était finie, il le savait. Aridel le força à s’approcher de la dalle.
- Nous nous reverrons dans Dalhin, dit son adversaire avant de le pousser.
Oeklos eut l’impression qu’une main géante lui retournait l’estomac. Lorsqu’il reprit ses esprits, il constata qu’il se trouva au centre d’une pièce dont l’un des murs était une grande coupole de verre d’où les étoiles brillaient de tous leur feux. Au dessous de ce ciel étoilé, on apercevait le globe de la lune, gigantesque. Il était de retour dans Dalhin, la cité spatiale où résidait Erû.
Il sentit soudain une présence derrière lui. Il se retourna et vit l’armure d’Aridel le regarder. Son adversaire l’avait suivi. Il s’apprêtait à dire quelque chose lorsque qu’une voix les interrompit :
- Ah ! Berin, Egidor, je vous attendais. Soyez les bienvenus dans mon humble demeure.