Affrontement (2)
Par Alexandre Vaughan
Imela avait devant les yeux une vision de l’enfer. L’Alliance avait fait abattre un déluge de feu sur la forteresse d’Oeklos, mais les artilleurs ennemis répliquaient plus fortement encore. A peine l’assut commencé, les boulets pleuvaient sur les troupes, fauchant en quelques instants des bataillons entiers.
Parfois, quelques pelotons parvenaient à se rapprocher des murs noirs, mais ils recevaient aussitôt de la poix enflammée. Imela les voyait s’enfuir en hurlant, torches humaines dévorées par les flammes et le feu. L’amirale priait intérieurement pour que leur sacrifice ne soit pas vain.
Si Aridel parvenait à se retrouver en présence d’Oeklos, peut-être cette guerre finirait-elle une fois pour toute. L’incertitude la rongeait. Elle était certaine que son amant ne lui avait pas tout révélé. Que compatit-il vraiment faire une fois devant son ennemi ? Imela avait un très mauvais pressentiment, et elle n’arrivait pas à s’en détacher.
Un coursier vint la tirer de ces sombres pensées. C’était un jeune officier d’une vingtaine d’années qui inclina la tête en lui indiquant :
- Amirale, le général Djashim vous informe que ses troupes sont en place près de la porte. Il va commencer l’assaut principal.
- Très bien lieutenant. Dites lui que je vais concentrer le feu de l’artillerie pour couvrir ses hommes.
- Bien amirale, dit le coursier avant de repartir comme il était venu.
Imela fit venir son aide de camp, et lui ordonna de changer la cible des canons. Elle se tourna alors de nouveau vers le terrible spectacle qui s’offrait à elle. Elle repensait aux paroles d’Aridel. L’amirale le soupçonnait de vouloir affronter Erû, un mortel défiant un dieu. Elle ne pouvait pas l’en empêcher, bien sûr, mais elle savait, en son for intérieur, qu’elle n’approuvait pas. Elle devait pourtant se fier au jugement de son amant. Impossible, cependant, de dominer le sentiment de peur qui l’envahissait. Aridel et elle étaient des soldats, et c’était leur lot de risquer leur vie. Malgré cela, Imela ne voulait pas perdre ce qu’elle avait durement gagné. Tout ce qu’elle pouvait espérer, à présent c’était que son amant revienne en vie et que cette violence prenne fin.
La visière d’Aridel entourait la silhouette d’Oeklos d’une aura rougeâtre, comme si l’empereur luisait. Il avait très probablement reçu lui aussi des dons d’Erû, mais plus subtils que la très visible armure d’Aridel.
Plus personne ne bougeait dans la salle du trône. Tous étaient figés par la surprise, et personne ne savait réellement comment agir. Le regard de l’empereur lui même était partagé entre l’étonnement et la colère, pour peu qu’Aridel puisse interpréter ses émotions.
C’était la première fois que le souverain d’Omirelhen voyait réellement son ennemi. Il avait du mal à imaginer que le visage qu’il avait devant lui ait pu être humain un jour. Il était couvert d’écailles, comme un Sorcami, mais son museau n’était pas aussi allongé que celui des hommes-sauriens. Ses yeux étaient jaunes, cruels, dénués d’humanité. Pourtant, cet être était visiblement capable de ressentir des émotions, contrairement à Erû. Aridel resserra son emprise.
- C’est fini pour vous, Oeklos, répéta-t-il. Vous ne pouvez rien contre cette armure.
Les modifications que Lanea et ses mages avaient apportés à l’armure lui avaient permis de préparer cette surprise. Delia n’était pas au courant bien sûr. Aridel n’accordait aucune confiance à sa sœur parricide. Son plan fonctionnait jusqu’à présent parfaitement.
- Suis-je donc condamné à mourir sans procès, de la main d’un moins que rien qui se prétend Dasam d’Erû ? siffla alors l’empereur, la rage dans la voix.
- Ce ne serait que justice, après les horreurs que vous avez infligées à ce monde. Mais vous comme moi savons que vous n’êtes pas seul responsable. Votre mort devra attendre. Croyez-le ou non, j’ai besoin de vous. Et dit-il en se tournant vers Walron et les gardes, pas la peine de tenter quoi que ce soit, vous êtes mon otage, à présent.
- Parce que vous croyez vraiment que je vais vous aider ? Vous devez être plus fou encore que votre père.
- Ou que vous ? Peut-être… Après tout, nous nous sommes tous deux fait manipuler par cette entité qui se prétend être un dieu. C’est à cause d’Erû que cette guerre à commencé et que nos destins sont liés. Il est temps à présent de mettre un terme à ses agissements. Et vous aller m’aider à le faire, quoi que vous puissiez dire.
- Même si j’en avais la moindre envie, je ne vois pas en quoi vous avez besoin de moi.
Aridel resserra de nouveau son emprise sur les poignets de l’empereur, qui émit un ptit cri de douleur.
- Vous savez parfaitement ce que je suis venu chercher. Votre téléporteur. Vous allez me conduire à Dalhin, et nous allons en finir. Si vous ne le faites pas, votre vie est finie.
- Walron et mes gardes donneront l’alarme avant.
- Comme je vous l’ai dit, vous êtes mon otage. Et votre armée est très occupée en ce moment. Nous y avons veillé. Même si vous faites venir un peloton, cette armure est parfaitement capable de tenir tête à quelques dizaines de vos hommes. Et comme je vous le disais, vous mourrez avant. Alors quel est votre choix ? Me conduire au téléporteur ou mourir ?
L’empereur marqua une pause. Aridel savait qu’il le tenait. Il jeta tout de même un œil aux autres présents, Delia, Walron et les gardes. Il espérait que personne ne ferait de bêtise. Le temps était précieux s’il voulait accomplir sa tâche. Personne ne disait mot, essayant de comprendre les propos des deux antagonistes.
- Soit, finit par dire Oeklos. Si vous voulez aller vous faire tuer par Erû, je vous y guiderai volontiers.
- Oh mais vous allez venir avec moi, dit Ariel en souriant derrière sa visière.