Affrontement (1)
Par Alexandre Vaughan
Les ondes de choc des projectiles d’artillerie et des bombes faisaient vibrer les murs de la forteresse. A chaque explosion, le bâtiment tremblait, comme si une main géante avait décider de le secouer.
Les miroirs de surveillance d’Oeklos étaient inertes. Plus aucune information sur les combats en cours ne lui était accessible. Il ignorait si c’était lié à la présence de ses ennemis, ou si Erû avait simplement décidé de lui imposer une autre épreuve. Peu importait. L’empereur était à présent aveugle, et le sort de la bataille n’était plus entre ses mains. Il tentait en vain de ravaler la frustration qui le rongeait de plus en plus. Comment avait-on pu en arriver là ?
Le bombardement qu’ils subissaient en ce moment était sans aucun doute le prélude d’une attaque d’ampleur. Très bien ! Que cette prétendue alliance vienne se frotter à lui. Ils comprendraient le sens du mot douleur. Dans un siège, tout était question de temps. Si la forteresse résistait assez longtemps, cela permettrait à ses troupes éparpillées en Dafashûn de venir lui prêter main forte. Les assiégeants se retrouveraient assiégés, et la bataille tournerait en sa faveur.
Pourtant Oeklos continuait à faire les cent pas. Il était incertain de l’avenir. Erû lui avait promis un empire, mais l’entité n’avait jamais dit combien de temps il pourrait le garder. Avait-il failli à sa tâche ? Il avait pourtant fait tout ce que la machine avait demandé de lui. Et en échange il demandait juste à réaliser son rêve : restaurer la gloire de l’empire de Blûnen, les Anciens Mages qui avaient régné en maître sur ce monde. Pourquoi se retrouvait-il puni, dans l’incertitude ?
On frappa à la porte de ses appartements, interrompant son train de pensées. Qui donc se permettait de venir le déranger ? Il avait pourtant donné des ordres très stricts pour conserver son intimité. Furieux, l’empereur se dirigea vers la porte, prêt à punir le ou les importuns.
Le visage de Walron apparut dans l’encadrure, ses yeux cruels creusés par des cernes. Les derniers jours ne l’avaient pas épargné.
- Qu’y a-t-il encore ? aboya Oeklos.
- Votre altesse impériale, veuillez excuser mon interruption, mais j’ai pensé que vous devriez être informé immédiatement. Delia est revenue.
- Comment ? A-t-elle accompli sa mission ? Je pensais qu’elle avait tout simplement déserté. Sa loyauté n’est pas quelque chose sur laquelle je comptais réellement.
- Je me méfie beaucoup d’elle également, votre altesse impériale, c’est pourquoi je l’ai laissé sous bonne garde.
- Très bien. Jetez là aux cachot, je m’occuperais d’elle plus tard.
L’ex-reine d’Omirelhen s’était très probablement rendu compte qu’elle n’avait aucune chance de survie derrière les lignes ennemies. Elle venait maintenant implorer la clémence de l’empereur. Elle allait vite découvrir son erreur, pensa Oeklos. Il allait congédier Walron, mais il vit que le ministre avait encore quelque chose à dire.
- Et bien ? Parlez ?
- Un homme couvert de chaînes accompagne la reine. Elle prétend qu’il s’agit d’Aridel, le commandant ennemi. Je ne la crois pas réellement, mais elle est très insistante.
Oeklos regarda son ministre avec des yeux ronds.
- Elle a capturé Aridel à l’insu de son armée ? Allons bon ! Quelle est donc cette fable ? Amenez la dans la salle du trône, et cet homme aussi. Je vais m’occuper de cette menteuse comme il convient !
Walron s’inclina et partit sans demander son reste. Oeklos attendit un peu, perplexe, puis il revêtit sa robe d’apparat et se rendit dans la salle du trône. Il s’installa sur le siège froid, attendant l’arrivée de ses “invités”. Rendre jugement sur cette femme qui l’avait déçu à de multiples reprises le distrairait agréablement de la bataille en cours. Son pouvoir n’avait pas encore complètement disparu. Il plaignait presque le pauvre bougre qu’elle avait capturé afin de le faire passer pour son propre frère. Comme si l’empereur pouvait être aussi crédule… Elle allait bientôt découvrir ce qu’était réellement sa colère.
La porte de la salle du trône s’ouvrit, et Walron apparut, suivi de près par Delia et son prisonnier. L’homme était effectivement couvert de chaînes, ne laissant apparaître que son visage, et Oeklos se demandait même comment il pouvait avancer. Peut-être était-ce simplement grâce aux deux gardes qui se trouvaient derrière lui. Le prisonnier avait un visage marqué, et il baissait les yeux.
- Delia ! tonna Oeklos. Vous avez vraiment cru pouvoir abuser de ma crédulité ?
L’empereur se leva et s’approcha du prisonnier. Il lui prit la tête et la releva, toisant son regard.
- Qui donc est cet homme qui prétend être mon ennemi ? Un soldat aviné, je suppose ?
De plus près, Oeklos constata avec surprise que le visage de l’inconnu présentait des similarités avec celui de Delia. Se pouvait-il vraiment que …
Le regard de l’homme se durcit soudainement alors qu’il soutenait celui de l’empereur. Il se tortilla et d’un geste se retrouva soudain libre de ses chaînes. Celles-ci tombèrent au sol et se transformèrent soudain en plaques de métal. Un hologramme ! réalisa immédiatement Oeklos. L’homme devant lui toucha alors un bracelet se trouvant à son poignet et les plaques de métal se levèrent comme par magie, venant le recouvrir d’une armure or et azur.
La scène se déroula en quelque secondes et le “prisonnier” s’empara alors des poignets de l’empereur, l’empêchant de bouger. Il n’avait aucune possibilité de s’échapper de cette poigne de fer.
- Salutations, empereur ! dit-il. Mon nom est Berin, roi d’Omirelhen et commandant de l’alliance des Gardiens d’Erûsarden. Je suis ici pour vous annoncer que votre règne touche à sa fin.