Solitude (5)
Par Alexandre Vaughan
La femme qui se tenait devant Imela semblait presque quelconque. Sa ressemblance avec Aridel était frappante. C’était comme si elle était la jumelle sombre de son amant. L’amirale rageait intérieurement en pensant à tout le mal que Delia avait fait. C’était à cause de cette prétendue reine que Demis était mort, et elle savait qu’elle ne pourrait jamais le lui pardonner.
La sœur d’Aridel avait un regard dur, d’où toute trace de compassion ou d’altruisme semblait avoir disparu. Pourtant, au milieu de cet égoïsme, on pouvait peut-être déceler une trace de peur. Elle n’était visiblement pas à l’aise au milieu de ses ennemis, et cela rassurait Imela. L’amirale tourna son regard vers son amant, dont la méfiance était palpable.
- Comment puis-je croire une seule de tes paroles ? demanda-t-il. Les seules éléments dont je puisse être certains sont ton ambition et ta facilité à mentir. Tu cherches très probablement à me manipuler pour assouvir tes désirs de pouvoir. Veux-tu prendre la place d’Oeklos, maintenant qu’il est en mauvaise posture ?
- Je ne te demande pas de me faire confiance, Berin. Je sais bien qu’il est trop tard pour cela. Je cherche juste à survivre, et ce n’est pas avec Oeklos que j’ai le plus de chances d’y réussir. J’ignore comment vous avez réussi à le tromper, mais il n’agit plus rationnellement. La rage domine toutes ses actions, et je n’ose imaginer ce qu’il compte faire s’il réalise que sa situation est sans espoir. En tout cas je ne veux pas être là.
- Et donc, coupa Imela, exaspérée, le rat quitte le navire. Cela semble en effet dans votre caractère.
Delia jeta un regard noir à l’amirale.
- Cette roturière n’a aucun droit de porter jugement sur moi, dit-elle à Aridel.
- Cette roturière, comme tu dis, est ma compagne, et amirale de la flotte de l’Alliance. A l’heure actuelle son statut est bien plus élevé que le tien. Tu es notre prisonnière, ne l’oublie pas. Parle lui encore sur ce ton, et je te fais mettre aux fers, sœur ou pas !
Delia semblait prête à répliquer, mais elle fut interrompue par l’arrivée de Lanea. Laz mage salua de la tête Aridel, Imela et Djashim et, se tournant vers Delia, dit :
- C’est donc bien vrai ? L’usurpatrice du trône d’Omirelhen a décidé de se rendre ? Les perspectives d’Oeklos doivent être bien sombres.
- Nous ne savons toujours pas, expliqua alors Imela, à quel jeu elle joue. Elle nous affirme avoir convaincu Oeklos de la laisser quitter la forteresse sous le prétexte de neutraliser son propre frère. La question de savoir si c’est là son véritable plan ou si elle a un motif ultérieur.
Lanea regarda Delia avec attention.
- Vous avez raison Imela, mais elle représente tout de même une opportunité qu’il nous est difficile d’ignorer. Je vois en sa présence une chance de mettre fin à ce siège en limitant les pertes en vies humaines.
- Que voulez-vous dire ?
- Je crois comprendre, Lanea, répondit Aridel à la place de la cheffe de la résistance. Si Delia a prétendu me neutraliser, alors peut-être puis-je me faire passer pour son prisonnier. C’est une occasion rêvée de me retrouver en présence d’Oeklos et de mettre fin à ses agissements en évitant l’affrontement.
Imela regarda son amant avec de grands-yeux.
- Tu n’y penses pas ! Le risque…
- Est acceptable, coupa Aridel. Surtout si cela permet de sauver des milliers de vies. La question ne se pose pas. Ma vie est négligeable si cela nous permet d’atteindre notre objectif.
- Ne soyez pas trop prompt à disposer de votre vie, répliqua alors Lanea. Mais ce plan a du mérite, si nous pouvons utiliser notre prisonnière.
- Retourner dans la forteresse ? Avec Aridel ? s’exclama Delia. Vous êtes encore plus fous que ce que j’imaginais. Vous vous imaginez que l’empereur va nous accueillir à bras ouverts ?
- Tout dépend de ce que tu lui diras, ma sœur. Mais j’ai confiance en ton instinct de survie, tu trouveras un bon mensonge, ou une demi-vérité comme tu sais si bien les manipuler. Dans tous les cas, tu n’as pas vraiment le choix. Si tu ne nous aides pas, je laisserai la justice d’Omirelhen suivre son cours.
Aridel laissa peser cette menace voilée dans l’esprit de Delia.
- Il semble que tu me présente là un choix qui n’en est pas vraiment un, finit-elle par dire. Mais laisse moi te dire que je ne serai pas la seule à risquer ma vie en retournant auprès d’Oeklos. J’espère que tu sais ce que tu fais.
- N’ayez aucune crainte là dessus, répondit alors Lanea, devança Aridel. Nous savons nous débrouiller…
Cette phrase de la mage piqua la curiosité d’Imela. Il y avait dans ces paroles un sous-entendu. Imela savait que son amant et Lanea avaient un plan secret, et leurs petits conciliabules lui étaient à peine cachés. Elle n’en avait pas encore parlé à son amant, mais elle connaitrait le fin mot de l’histoire. Imela n’aimait pas du tout ce secret. Elle en parlerait à Aridel.
- Nous partirons demain, dit alors Aridel. Djashim, Imela, je compte sur vous pour organiser une diversion qui détournera l’attention des troupes d’Oeklos pendant que nous “obtiendrons” une audience avec lui. Mais ne risquez pas des vies inutilement, si notre plan fonctionne, nous forcerons les troupes impériales à se rendre.
Il appela alors les gardes se trouvant à l’extérieur de la tente.
- Ramenez la prisonnière dans ses “logements”. Je vous ferai signe quand nous aurons de nouveau besoin d’elle.
- A vos ordres, majesté, dirent-ils.