Solitude (2)
Par Alexandre Vaughan
Oeklos regardait les images s’affichant sur ses miroirs de surveillance. Il exultait intérieurement. La prétendue “Alliance” entre humains et Sorcami qui avait osé se rebeller contre son autorité avait perdu. Ils battaient en retraite, la queue entre les jambes.
L’empereur ne comptait pas leur laisser d’opportunité de se regrouper. Il avait ordonné à ses troupes de les poursuivre, et de les anéantir. Si ses hommes arrivaient à couper leur retraite, l’Alliance serait définitivement rayée de la carte. Oeklos n’aurait alors plus qu’à reprendre ce qui lui revenait de droit. Son empire redeviendrait le seul avenir que le monde avait. Son rêve se réaliserait enfin.
Oeklos fit un geste et les écrans redevinrent de simples miroirs, reflétant son visage mi-humain, mi-sorcami. Il était temps pour lui de retourner dans la salle du trône. Il devait rester concentré. Malgré les différentes crises que son empire avait traversé, il y avait toujours des affaires courantes à régler. Sans parler du fait qu’il devait statuer sur l’avenir de Delia. Omirelhen était une épine dans son pied et…
L’empereur interrompit ses pensées. Une grande effervescence régnait dans les couloirs de la forteresse. Un nombre conséquent de gardes et de soldats étaient en train de courir, prêtant à peine attention à leur souverain. Quelle pouvait être la cause de toute cette agitation ? Oeklos pressa le pas. Lorsqu’il franchit la porte de la salle du trône, il vit que Walron et Delia l’y attendaient, visiblement inquiets.
- Que se passe-t-il, encore ? demanda-t-il sans préambule.
Walron déglutit.
- Votre altesse impériale, dit-il, la voix tremblante, des troupes ennemies ont pris position autour de la forteresse.
La première réaction d’Oeklos fut l’incrédulité. Impossible ! Il venait de les voir battre en retraite. Ses miroirs de surveillance ne pouvaient mentir. Une seule explication plausible à cela :
- Il s’agit probablement d’une avant garde isolée du reste de leurs troupes. Occupez-vous en, Walron.
Le ministre ne dit rien, mais déglutit bruyamment.
- Quoi ? tonna Oeklos. Parlez, Walron, ou je vous fait jeter au cachot !
Le ministre restait cependant muet. Delia finit par répondre à sa place.
- Votre altesse impériale, dit-elle, il ne s’agit pas d’une avant-garde. Nos éclaireurs estiment qu’il y a là l’équivalent de plusieurs légions, une portion non négligeable de l’armée ennemie. La forteresse est totalement encerclée, et ils sont en train de positionner leur artillerie de siège.
- Vous mentez ! Je viens de voir l’Alliance battre en retraite vers la côte. Nos hommes sont à leur poursuite. Si une telle proportion de leur troupes s’étaient déplacé vers ici, mes miroirs l’auraient décelée.
- Il semble pourtant, dit Delia d’un ton impertinent, que cette fois votre magie a failli. J’ignore comment nos adversaires sont arrivés jusqu’ici, mais les faits sont les faits. Nous avons été pris par surprise. Et l’heure n’est plus à la recherche de responsabilités. Notre survie est en jeu et nous devons réagir au plus vite si nous ne voulons pas être submergés.
Oeklos sentit la rage et la colère l’envahir. L’ex-reine d’Omirelhen avait raison, cependant. Il fallait garder la tête froide : l’ennemi était aux portes.
- Activez le cercle des batteries extérieures. Pilonnez les positions ennemies. Ne leur laissez pas le temps de s’organiser. Je vais prévenir l’escadrille noire et rappeler nos troupes. Nous pouvons tirer notre épingle du jeu et les prendre en étau, si nous arrivons à tenir assez longtemps. La victoire est encore à notre portée. Allez, Walron !
- Oui, votre altesse impériale, dit le ministre avant de s’éclipser.
Delia resta cependant dans la salle du trône, toisant le regard de l’empereur.
- Qu’est ce que vous avez ? demanda ce dernier d’un ton peu amène.
- J’ignore ce que vous comptez réellement faire, mais il y a de grandes chances que mon frère accompagne ces troupes. Ne pensez pas que votre rayon va vous sauver. Nos ennemis ont montré qu’ils étaient pleins de ressources.
Oeklos regarda son interlocutrice d’un œil noir, sa rage et sa frustration à peine contenues. Delia reprit.
- Laissez moi quelques troupes et je m’occuperai de Berin. Je le connais : il ne refusera pas de me recevoir. Et j’ai des moyens de le réduire au silence.
Oeklos respira un moment. Voilà un bon moyen de se débarrasser de cette impertinente. Il finit par dire, les lèvres pincées.
- Ne me décevez pas. Vous savez ce que signifierait un autre échec de votre part.
Delia inclina la tête avant de partir, laissant l’empereur face à ses pensées. Il savait qu’elle n’avait aucune chance de réussir, mais si cela distrayait ses ennemis, ce serait toujours du temps de gagné.
Une chose était certaine, la bataille qui s’annonçait déciderait le sort du monde.