Héritage (4)
Par Alexandre Vaughan
Oeklos se regardait dans les six miroirs qui l’entouraient. Ces merveilles de la technologie des anciens ne lui renvoyaient pour l’instant que son reflet. Il admirait cette image, celle d’une créature qui avait dépassé le statut d’humain ou de Sorcami, un être supérieur aux autres. Il savait que la voie qu’il avait choisi était la bonne, et que tout n’était pas joué. Oeklos avait sacrifié son humanité pour Erû, dans le but de donner un avenir à ce monde, et il n’abandonnerait jamais. Il possédait un pouvoir incomparable et sa volonté, que seule égalait sa rage, serait la ruine de ses ennemis. Personne ne pourrait détruire son rêve.
Oeklos n’était plus Egidor, l’apprenti mage qui avait voulu convaincre Dafashûn du bien-fondé de ses idées. Il n’était plus non plus Apisûn, disciple du mage noir Cersam Gindûn, tué par l’ancêtre d’Aridel. Il avait sublimé ces personnalités obsolètes. Il était empereur d’Erûsarden, chargé d’une mission qui dépassait le commun des mortels, et sa puissance était sans égale. Erû, la machine-dieu, lui soumettait une nouvelle épreuve, mais il n’avait plus de doutes. Il en viendrait à bout car sa cause était juste.
Oeklos toucha tour à tour chacun des miroirs des anciens. Son image se troubla avant de disparaître, remplacée progressivement par un ensemble de cartes et de vues aériennes, indiquant les positions de ses propres troupes et de celles de ses ennemis. Ils avaient commencé leur avance en dehors d’Erûmar. Parfait ! Leur défaite n’en serait que plus terrible. Personne ne pouvait résister à son pouvoir, pas même cette méprisable alliance entre humains et Sorcami.
Oeklos repéra sur un des écrans un bataillon d’artilleurs ennemis qui prenait position afin de pilonner l’un de ses emplacements défensifs. Il y concentra son regard. Une cible rouge apparut, se superposant aux soldats Omirelins. Oeklos fit un geste et le symbole représentant la cible se mit à clignoter. Un texte apparut, écrit dans la langue des anciens :
- CONFIRMER ORDRE DE TIR -
Oeklos leva la main, afin de confirmer ses intentions à la machine. A plus de cent lieues au dessus de lui, un satellite se déplaça. L’objet, récupérant à l’aide de gigantesques miroirs l’énergie du soleil, se pointa vers l’endroit qu’avait indiqué l’empereur. Peu de temps après un rayon, d’énergie, plasma à haute température en sortit, se dirigeant vers les artilleurs d’Omirelhen.
Le rayon atteignit le sol quelques instants après. La destruction et la mort venues du ciel furent instantanées, un carnage silencieux, sans aucun cri. Les points qui représentaient les soldats disparurent de l’écran d’Oeklos. L’empereur jubilait. Il aurait vite raison de ces imbéciles qui avaient osé se dresser contre lui.
Un nouveau texte s’afficha soudain à l’écran.
- INTRUSION DETECTEE - IMPOSSIBLE DE SÉLECTIONNER UNE NOUVELLE CIBLE -
Comment ? L’humeur d’Oeklos changea du tout au tout, la frustration l’envahissant de nouveau. C’était impossible ! Était-ce encore ce trouble fête d’Aridel qui osait s’opposer à lui ? Mais pour l’instant il n’avait pu que dévier son rayon, pas l’empêcher de tirer ! Non ce n’était pas possible. Oeklos fit un geste afin de cibler un autre régiment ennemi. Le texte s’afficha de nouveau.
- IMPOSSIBLE DE SÉLECTIONNER UNE NOUVELLE CIBLE -
Oeklos hurla de frustration. Aridel avait sûrement reçu l’aide de mages afin de mieux utiliser son armure. Il leva les bras rageusement, et les miroirs redevinrent inertes, affichant son reflet. Très bien, se dit-il, sa détermination intacte, il allait falloir agir de manière plus traditionnelle.
Il sortit de ses appartements, et se rendit dans la salle du trône, juste en dessous.
- Appelez-moi Walron, ordonna-t-il aux gardes.
Le ministre arriva moins de cinq minutes plus tard, s’inclinant devant son empereur.
- Votre altesse impériale, je suis à vos ordres.
- Walron, nous devons repousser cette invasion. Le rayon n’est plus suffisant pour y faire face. Faites décoller l’intégralité de l’escadrille noire. Leur mission est de détruire les troupes qui sont en train de sortir d’Erûmar.
Walron eut un petit moment d’hésitation, mais il finit par acquiescer. Oeklos savait ce qu’il pensait. Peut-être révélaient-ils leur botte secrète trop tôt ? Il n’avait cependant plus vraiment le choix, à présent. L’imbécile en armure ne pourrait pas protéger l’ennemi des bombes que portaient ses dragons. Il ne lui resterait plus qu’à achever les restes. Oui… D’une manière ou d’une autre, L’empereur reprendrait ce qui lui appartenait de droit.