Héritage (3)
Par Alexandre Vaughan
Lanea observait avec attention les pièces de l’armure, prenant et soupesant chacune dans sa main. Elles étaient faites d’un métal tantôt jaune, tantôt bleu, poli avec une précision extraordinaire. Lorsque la mage les touchait, elles semblaient briller d’une lueur propre. Lanea savait que la machinerie qui se trouvait à l’intérieur dépassait de loin ses connaissances, et même probablement celles des plus grands mages qui avaient vécu à Dafakin avant sa chute. C’était une technologie d’un autre temps, d’un temps où les Anciens dominaient le monde.
- Vous dites donc que c’est Erû lui même qui vous a remis cet objet ? demanda une nouvelle fois la jeune femme à Aridel.
Elle avait été surprise par l’aspect de l’homme qui se trouvait à présent devant elle. Elle était en présence du roi d’Omirelhen, la personne qui avait vu la cité de Dalhin, et pourtant il semblait presque quelconque. Il avait une apparence commune, celle de quelqu’un dans la force de l’âge, au visage marqué par les cicatrices du temps et du combat. Ses yeux donnaient une impression de fatigue, mais la détermination qu’on y lisait était grande. C’était ce regard, qui, d’une certaine manière trahissait le fait que le poids du monde reposait sur ses épaules.
- Oui, finit-il par répondre, une moue de dégout sur les lèvres. La machine qui se prétend être un dieu a pris l’apparence de mon frère pour me parler. Elle prétend contrôler nos rêves et probablement une partie de nos pensées. C’est une abomination.
- Et pourtant, vous continuez à suivre ses directives… dit Lanea d’un ton interrogatif.
- Je ne pense pas avoir le choix, répliqua Aridel, sur la défensive. J’ignore l’étendue réelle de ses pouvoirs. Et Oeklos est un danger plus immédiat.
- C’est vrai, mais nous ne pouvons pas sous-estimer cette entité. D’après ce que j’ai pu lire dans les archives de Dafakin, Erû aurait utilisé la religion et les croyances humaines pour affirmer sa volonté. Nous ne pouvons pas laisser notre destinée être dictée par une machine.
- Je suis d’accord avec vous, mais que pouvons nous y faire ? S’il a dit vrai, sa présence et partout. Il y aurait même des sanctuaires de par le monde, où reposent des hommes et des femmes dont Erû utilise l’esprit pour augmenter sa puissance.
Lanea ne put qu’acquiescer.
- Cette histoire semble cohérente avec ce que j’ai appris des derniers jours de l’empire de Blûnen. Vers la fin, les Anciens se méfiaient tellement les uns des autres qu’ils avaient décider de stocker une partie de leur savoir non seulement dans des machines, mais aussi dans des humains maintenus artificiellement en vie pour cette raison.
- C’est horrible, dit Aridel. Comment quelqu’un peut il infliger un tel destin à des êtres intelligents ? Pourtant l’histoire de ma famille confirme l’existence d’au moins un de ces sanctuaires. Mon aïeul Leotel l’a vu, en Sorcamien.
- Oui… Et il n’est probablement pas le seul. Oeklos est notre problème le plus pressant, mais je crains qu’il ne soit pas le plus grand danger pour notre monde.
Lanea marqua une pause après ces paroles, et un lourd silence vint envahir la pièce. Ils se trouvaient au centre de l’hôtel de ville d’Erûmar, où l’alliance de ceux qui s’appelaient les Gardiens d’Erûsarden avait établi leur quartier général.
Tandis que les militaires, Djashim, Takhini, Imela ainsi que Shari discutaient de la marche à suivre, Lanea avait voulu prendre un peu de temps pour discuter à cœur ouvert avec Aridel. Les sujets de l’armure et d’Erû étaient primordiaux, même si elle n’oubliait pas son désir de vengeance envers Oeklos. Lanea était extrêmement inquiète de ce que lui confirmait Aridel.
- Tant de morts… finit par dire le souverain d’Omirelhen. Et tout cela pour suivre le plan tordu d’une machine. Oeklos, malgré tout le mal qu’il a pu faire, n’est lui aussi qu’un instrument. Erû lui a donné le rayon tout comme il m’a donné cette armure. Il veut que nous nous affrontions pour purger le monde et créer un nouvel ordre.
- Oui, c’est bien là une vision dénuée de tout sentiment humain. Et comme vous l’avez dit, il est difficile de lui échapper. Sauf peut-être…
Lanea laissa sa phrase en suspens.
- A quoi pensez-vous ? demanda Aridel.
- Une idée folle, expliqua Lanea. Il existe peut-être un moyen de neutraliser Erû. Je dois cependant y réfléchir encore. Et dans tous les cas, cela nous imposerait de nous emparer de la tour d’Oeklos.
- J’avoue ne pas réellement vous suivre.
- Si nous pouvons retourner à Dalhin, peut-être pourrons nous mettre fin aux agissements d’Erû. J’ai même des plans qui pourraient nous y aider.
- Retourner à Dalhin ? Je crains que nous n’ayons pas réellement le temps de retourner à la porte dans le Grand Nord.
- C’est là que la tour d’Oeklos peut nous aider. Je suis certaine qu’il y dispose d’un téléporteur qui nous permettrait de rejoindre la cité céleste.
Aridel sourit.
- Et bien dans ce cas nous n’avons plus qu’à vaincre Oeklos.
- Oui, dit Lanea en lui rendant son sourire. C’est la prochaine étape de notre plan, non ?